Échec scolaire, violences dans les cités... À marseille, un collège sensible multiplie les innovations pour accompagner ses élèves

Par  Texte & photos Anthony Micallef

Publié le 04/05/2024 à 15h30

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Un collège sensible qui innove
© Anthony Micallef

Durant les vacances scolaires, le collège reste ouvert et propose des activités aux nombreux élèves qui ne partent pas. Ici, un atelier « cinéma » leur permet de s'initier à la vidéo en tournant un clip musical. Régulièrement, des intervenants extérieurs viennent ainsi enrichir le programme scolaire.

Cet article est paru dans le magazine Le Pèlerin - Abonnez-vous

Au milieu des cités marseillaises où des règlements de comptes fréquents défraient la chronique, le collège Jacques-Prévert tente le pari de s'adapter aux difficultés sociales et scolaires de ses 600 élèves. Un cas d'école plein d'espoir.

Construit au sein de la cité de Frais-Vallon, dans les quartiers nord de Marseille, le collège Jacques-Prévert se veut un laboratoire. Dans ses éprouvettes, des élèves qui cumulent souvent des difficultés scolaires, familiales et sociales. Sa formule est simple : sur un territoire qui multiplie les difficultés – chômage, violence et trafic de drogue – l'équipe éducative forte d'une centaine d'adultes tente de contrecarrer au quotidien l'échec scolaire en proposant aux 11-16 ans des activités originales et des dispositifs de classes dédiés à leurs problématiques.

« Ici, on a tous les éléments pour que ça explose, prévient le principal, Rodrigue Coutouly, et pourtant ça n'explose pas. Car avant d'être un lieu d'enseignement, pour les élèves, c'est un lieu de vie. Nous estimons qu'ils doivent s'y sentir bien, car chez eux, c'est souvent difficile. » Classé REP + (réseau d'éducation prioritaire), faisant partie des 5 % des 7 200 collèges français installés sur les zones les plus défavorisées, l'établissement part de loin mais dispose de moyens supplémentaires. Surtout, il innove : microcollège, atelier relais, projet Prométhée, etc. À Jacques-Prévert, on teste des dispositifs afin de s'adapter aux difficultés spécifiques des élèves.

Soigner le lien avec les parents, privilégier les petits groupes et surtout distinguer les élèves souffrant de difficultés cognitives de ceux seulement démotivés, décrocheurs ou angoissés par l'école. Grâce aussi au potager, au poulailler, aux ruches et aux sorties scolaires régulières, les adolescents voient leur horizon s'élargir et gagnent en confiance. Quand l'ascenseur social est cassé, le collège équipe ses élèves pour tenter l'ascension.

Un collège sensible qui innove
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Jour de rentrée pour les élèves de sixième : pendant que leurs parents sont conviés à une visite de l'établissement, durant laquelle le proviseur insiste sur l'importance de leur lien avec l'équipe éducative, les jeunes sont guidés par leur professeur principal.

Un collège sensible qui innove
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Diagnostiqué hyperactif dès la maternelle, Brice a beaucoup de mal à se concentrer. Il est en cinquième Segpa. Cette filière dédiée aux élèves en très grande difficulté ne compte qu'une quinzaine d'élèves par classe et mixe enseignement général et professionnel.

Un collège sensible qui innove
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Nathalie est en cinquième. Pour l'aider, des « ateliers relais » lui ont été proposés : deux mois de remise à niveau sur les bases, notamment en maths et en français, en petit groupe et avec un professeur unique. Elle réintégrera ensuite sa classe.

à marseille un collège sensible
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À Frais-Vallon et dans les cités voisines, le décrochage représente le risque numéro un. Dans son groupe d'amis formé au primaire (photo ci-dessous), Ilian est le seul à fréquenter encore le collège: « Ils ne vont plus en cours, se font courser par la police… Dans mon entourage, tous ceux qui ont arrêté l'école ont mal fini. » Ilian bénéficie d'une prise en charge dans le « microcollège », classe unique dédiée aux très gros décrocheurs. Né à Marseille, ce dispositif novateur essaime désormais en France.

à marseille un collège sensible
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Un collège sensible qui innove
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Autre innovation locale : le projet Prométhée qui regroupe une dizaine d'élèves montrant des signes d'isolement et de mal-être. Deux fois par semaine, ils sont sortis de cours pour travailler le lien et la confiance en soi. Ici, ils construisent un « frigo africain » en briques, chaux et sable.

Un collège sensible qui innove
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La lutte contre le décrochage scolaire porte ses fruits. Alors que le collège perdait chaque année dix à quinze élèves (certains rejoignaient les petites mains du trafic, d'autres renonçaient tout simplement à l'école), les dispositifs mis en œuvre permettent de préserver la quasi-totalité des effectifs jusqu'en classe de troisième.

Un collège sensible qui innove
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Alaoui, dans l'atelier de mécanique du collège. Très stigmatisés, les élèves de Segpa finissent par intégrer les jugements extérieurs et ont très peu confiance en eux.

Un collège sensible qui innove
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Jade (au centre) durant l'atelier de repassage, en filière HAS (hygiène, alimentation, services), une formation obligatoire peu appréciée par les élèves. Cela nécessite une rigueur extrême dont ils perçoivent mal l'utilité, même si elle est décisive pour une future embauche en hôtellerie.

Un collège sensible qui innove
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Lors d'une rencontre parents-profs, Myriam, accompagnée de sa grand-mère qui l'élève, est remotivée par son enseignant : « Si tu t'accroches, tu es en capacité d'avoir les encouragements. Ce que tu as fait en français, généralise-le ! »

Un collège sensible qui innove
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Dans la cour, Brice est taquiné par ses camarades. La violence est certes présente à Jacques-Prévert, mais minoritaire et immédiatement sanctionnée. « Oui, il y a des enfants difficiles à gérer, explique le principal, mais dans l'ensemble, ces enfants ont un grand respect pour l'équipe enseignante. Et c'est aussi dû au fait qu'on leur reconnaît une place. »

Un collège sensible qui innove
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Zinedine, en maillot de l'OM, devant la cabane peinte aux couleurs de son équipe favorite. Comme le frigo africain, cette cabane à outils a été construite par les élèves durant un chantier éducatif avec l'Addap13, une association marseillaise qui intervient au collège.

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Journée d'intégration des sixièmes sur l'île du Frioul, en face du Vieux-Port. Destination touristique très très prisée l'été, la plupart des enfants n'y sont cependant jamais allés. Un bracelet rouge signale ceux qui ne savent pas nager : dans les quartiers nord de Marseille, près de 60 % des moins de 16 ans n'ont jamais appris, bien qu'ils vivent en bord de mer.

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