À huit mois de la réouverture de Notre-Dame de Paris, les cinq organistes de la cathédrale viennent d'être nommés

Sophie Laurant

Par  Sophie Laurant

Publié le 25/04/2024 à 12h51
Mise à jour le 26/04/2024 à 15h24

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Notre-Dame retrouve ses organistes
© Leemage via AFP

Photo du grand orgue de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, prise en 2008, donc avant l'incendie du 15 avril 2019.

Tandis que le grand orgue est en cours d’harmonisation, cinq musiciens viennent d’être nommés titulaires des orgues de la cathédrale par le diocèse de Paris.

Les orgues de Notre-Dame de Paris viennent de retrouver leurs cinq organistes titulaires qui assureront «par quartier» –  c'est-à-dire à tour de rôle –, selon une tradition héritée du XVIIIe siècle, le service lors des offices à la cathédrale. Trois «anciens»: Olivier Latry, titulaire depuis 1985, et Vincent Dubois, depuis 2016, pour le grand orgue, Yves Castagnet, depuis 1988, pour l'orgue de chœur, vont pouvoir reprendre du service. Ils sont rejoints par deux «nouveaux»: Thierry Escaich, jusque-là organiste titulaire de l'orgue de Saint-Etienne-du-Mont à Paris, et le très jeune Thibault Fajoles – il a 22 ans! – qui intervient régulièrement lors des célébrations à l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, devenue «paroisse d'accueil» le temps du chantier de la cathédrale. Tous ont en parallèle une brillante carrière de musicien de renommée internationale.

Accordage des 8 000 tuyaux du grand orgue

Après son démontage et nettoyage complet, le grand orgue a été remonté en 2023. Son accordage, tuyau par tuyau – et il y en a 8000! – a commencé et va nécessiter plusieurs mois. «D'autant plus que les facteurs d'orgue sont obligés de s'interrompre pendant l'été pour éviter de mauvaises harmonisations, la grande chaleur dilatant trop le métal», explique Olivier Latry qui va les voir, chaque mois, dans la cathédrale où ils travaillent de nuit parce qu'ils ont besoin de silence et que l'intérieur de l'édifice est toujours un bruyant chantier durant la journée.

L'organiste se dit d'ailleurs «dans l'expectative, car [il] n'a rien entendu encore» et imagine que les répétitions se feront «dans l'urgence des dernières semaines avant la réouverture». «En attendant, nous allons réfléchir aux programmes musicaux», précise-t-il. Néanmoins, Olivier Latry a connu deux autres restaurations de l'orgue entre 1990 et 1992 et entre 2012 et 2014, ce qui l'amène à «se sentir de plus en plus patient et philosophe». «L'art de l'organiste repose beaucoup sur sa capacité d'improvisation. Nous avons une réception sensitive de l'atmosphère de l'assemblée, nous y répondons et y participons par la musique que nous créons», rappelle-t-il.

Dès lors, c'est sans doute ce qui se passera lors de la veillée de prières qui sera organisée le 7 décembre 2024, à la veille de la réouverture de la cathédrale. L'archevêque, Mgr Laurent Ulrich, procédera alors au «réveil de l'orgue» par une longue interpellation. Un dialogue musical et chanté s'organisera alors avec l'instrument. Le grand orgue est «un instrument mythique, l'un des plus grands au monde et qui résume l'art français de l'orgue», a expliqué le chercheur Christophe d'Alessandro. Sa communication portait sur «la géographie sonore de Notre-Dame» durant un tout récent colloque du CNRS et du ministère de la Culture consacré aux travaux scientifiques menés à Notre-Dame de Paris en parallèle à sa restauration ou même grâce à elle.

L'orgue de chœur de retour en 2025

L'instrument accompagne les offices et les concerts dominicaux ainsi que les grandes cérémonies, tandis que l'orgue de chœur sert aux liturgies quotidiennes. Ce dernier, détruit par l'incendie, a dû être reconstruit. Seuls ses tuyaux ont pu être sauvés. Il ne reprendra sa place qu'à la fin de 2025. En attendant, c'est un substitut électronique qui permettra à Yves Castagnet d'accompagner la maîtrise de Notre-Dame.

Le grand orgue actuel succède à plusieurs autres depuis l'époque gothique. Il s'agit d'un très grand instrument symphonique, conçu en 1868 par Aristide Cavaillé-Coll (1811-1899), facteur d'orgues majeur, mais qui conserve son splendide buffet du XVIIIe siècle. Cependant, «La première mention d'un organiste à Notre-Dame remonte à 1333, rappelle Christophe d'Alessandro, mais il y eut des orgues portatifs et des orgues de chœur, au départ situés en hauteur dans la tribune, dès le XIIe siècle.» Aux cinq titulaires actuels de s'inscrire dans cette longue tradition tout en apportant leur art personnel de l'improvisation et de la composition à ce patrimoine immatériel, vécu et habité.

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