Livres. Jean-Paul Dubois, François Chandernagor, Christian Bobin... Notre sélection de 3 œuvres sublimes à lire en mai

Muriel Fauriat

Par  Muriel Fauriat

Publié le 03/05/2024 à 12h01
Mise à jour le 03/05/2024 à 15h41

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Les liens du cœur
© Andy Jenner/stock.adobe.com

La géographie de la Creuse façonne le récit autobiographique de Françoise Chandernagor.

Cet article est paru dans le magazine Le Pèlerin - Abonnez-vous

Découvrez ces trois livres qui revisitent le bonheur ou les blessures du passé.

Ode à la Creuse

L'or des rivières
de François Chandernagor
Éd. Gallimard, 304 p. ; 21 €

Il fut un temps où, dès les premiers chants du printemps, des hommes couverts de la poussière de quartz des chemins, surnommés les « hirondelles blanches », franchissaient la Loire, descendaient à Paris paver les rues, tailler les pierres, bâtir les palais. Ils partaient de la Creuse, ils étaient maçons. Dans cette Creuse « insulaire », non pas une cuvette comme on le croit, mais une « Haute-Marche » de collines, plateaux et vallées encaissées, où fraye la rivière éponyme, la terre pierreuse ne nourrissait pas. Comme les « bougnats » voisins (contraction de charbonniers et Auvergnats), les Creusois étaient avalés par la capitale.

Françoise Chandernagor livre dans L'or des rivières son œuvre la plus intime, contant l'histoire de sa famille. L'on découvre une fillette élevée à Palaiseau, en région parisienne, dans une « maison biscornue », agrandie au fil du temps par le grand-père maçon ; ses allers-retours épiques en auto entre Paris et cette campagne sauvage et noire. Noire des sapins se reflétant dans l'eau, noire des femmes en deuil… Fiers et indépendants, les Creusois furent communards et francs-maçons, et ce malgré la misère. Dans ce récit somptueux, érudit et fluide, on croise des légendes, des bêtes, La petite Fadette de George Sand, et les chênes pieuvres.

Après Fontloup le domaine familial, la célèbre romancière, membre de l'Académie Goncourt, acheta Verneige, avec son parc et deux étangs. Là, elle s'enorgueillit de protéger la petite écrevisse creusoise que sa cousine américaine met en péril. Là, elle raconte que les étangs fument comme des chaudrons, et en Mélusine du verbe, nous ensorcelle à jamais.

Notre avis: ***

© Photo de l'autrice (à g.) : G.Garitan/Wikimedia

Ultime éclair

Le murmure
de Christian Bobin
Éd. Gallimard, 144 p. ; 17 €

Commencé chez lui, au Creusot, en juillet 2022, terminé sur son lit d'hôpital, peu avant sa mort en novembre 2022, Le murmure rassemble les ultimes scintillements du poète, qui convoque l'art, la nature et l'amour pour un éblouissant chant d'adieu.

Christian Bobin offre, en ces miscellanées, des ciels d'enfant: « Ce matin l'infirmière m'a demandé de penser à quelque chose de joli avant l'opération. Je vais penser à des noisettes… » Ou encore: « J'écris pour vous construire un nid. Il fait trop froid dehors. » À la poétesse Lydie Dattas, sa compagne, il promet de la retrouver « dans le ciel rouge, comme le murmure des étourneaux après le franchissement de l'obstacle ».

Notre avis: ***

© Photo de l'auteur (à g.) : Francesca Mantovani/éditions Gallimard

Survivre au père

L'origine des larmes
de Jean-Paul Dubois
Éd. de l'Olivier, 256 p. ; 21 €

Quinquagénaire discret spécialisé dans la vente de housses mortuaires de luxe, Paul est un parricide singulier. Son père était déjà mort – et Paul le savait – lorsqu'il le cribla de balles. Ce qu'il confie à son psychiatre – Docteur Guzman dont l'œil droit pleure en permanence – est édifiant: Thomas Lanski, son géniteur, était un monstre brutal et sadique. Paul s'est construit dans la haine et survit comme il peut, avec le souvenir de Rebecca, sa mère adoptive, de son chien Watson, et la compagnie d'U.No., une intelligence artificielle.

Le Prix Goncourt 2019 pour Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon s'amuse avec cette comédie noire amère, ciselée et déroutante, qui interroge frontalement le lien aux siens.

Notre avis: **

© Photo de l'auteur (à g.) : Patrice Normand

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