Retourné et converti

À la fin des années 1980, étudiant à la Sorbonne, je fréquentais l'aumônerie. Un soir, après une réunion, je me dirige vers le métro en compagnie d'Alain, étudiant discret et serviable qui participe à toutes les activités. Arrivés à la station Saint-Michel, Alain s'arrête et me lance subitement : « Voudrais-tu être Barnabé pour moi ? »

Pensant qu'il parlait d'un gars de l'aumônerie, je m'étonne : « Il y a un Barnabé à l'aumônerie ? » Il précise : « Barnabé, c'est celui qui a introduit saint Paul dans la communauté chrétienne. Voudrais-tu être mon parrain de baptême ? » Tellement inattendue, cette question a bouleversé ma vie. Stupéfait – je me sentais comme Moïse devant le buisson ardent –, je propose : « Il est minuit, on va se coucher, je te réponds dans trois jours. »

À dire vrai, cette invitation me terrifiait. Pour endosser le rôle de parrain, ai-je alors pensé, il fallait connaître la Bible, prier comme notre aumônier et mener une vie exemplaire. J'ai dit au Seigneur : « Je m'en sens incapable. Mais si tu es tout-puissant, tu dois pouvoir faire de moi un parrain. Alors, j'accepte. Tu as intérêt à m'aider ! » J'ai donc accompagné Alain vers le baptême, avec l'aumônier.

Me revient un dialogue, parmi d'autres, dans un bar. Je raconte la rencontre de Jésus avec une femme et leur échange sur le thème de l'eau. Et Alain de préciser paisiblement : « Oui, il s'agit de l'Évangile de Jean, au chapitre 4, quand Jésus dit à la Samaritaine : “Si tu savais le don de Dieu. ” » C'était surréaliste. Alain connaissait les Écritures quasiment par cœur et m'évangélisait !

Pris de jalousie, j'ai interpellé le Seigneur : « Pourquoi lui as-tu tout révélé, alors qu'il découvre la foi, tandis que tu es présent dans ma vie à doses homéopathiques ! Dire que je te cherche depuis vingt et un ans ! » Le jour de son baptême, Alain, transfiguré, avait le visage rayonnant de joie. Nous sommes devenus de grands amis, dans une fraternité profonde, « la fraternité en Christ ». J'avais été « retourné » et converti, passant d'une foi héritée à une foi consentie.

Fruit imprévu, grâce à la demande d'Alain, j'ai pris conscience que le Seigneur pouvait me choisir pour me mettre à son service, malgré mes limites. Plus tard, et après d'autres rencontres fondatrices, je suis devenu prêtre pour tous, au service de « l'amitié dans le Seigneur ».